Roman horreur | thriller fantastique
Titre Le Portail

Ne laissez pas la peur vous guider !

C’est Halloween. Pour la fête à laquelle il est invité, Lucas a tout prévu : comment s’habiller pour plaire à Lydie, et surtout comment épater la galerie avec son mystérieux grimoire. Tout, sauf l’impensable : le jeu vire au cauchemar et les horreurs envahissent la ville…

Quand la peur se matérialise, comment l’affronter ?

Lucas n’aura que trois jours pour trouver comment enrayer le phénomène… Y parviendra-t-il ?

Plongez à sa suite dans le froid du dernier jour d'octobre et venez le découvrir par vous-même !

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Le Portail

pentacle

Le Portail est le premier roman écrit par Sealeha. Thriller fantastique, il réinterprète les légendes celtiques liées à Halloween et s'amuse avec les légendes urbaines et autres monstres populaires : goules, banshee, incubes, démons et autres zombies…

Si vous aimez les classiques de l’épouvante et les anti-héros, vous adorerez Le Portail !

Personnages

Les personnages

  • Lucas est un étudiant plutôt marginal et mal à l'aise en société. Peureux et pourtant fan des histoires d'horreur, il se plonge dans ces récits avec avidité, dans l'espoir de se débarrasser de ses angoisses. Il n'aurait peut-être pas dû...
  • Marc est sans conteste le leader de ce petit groupe d'amis. Les épreuves qu'ils auront à affronter vont mettre à rude épreuve son statut et sa morale...
  • Lydie jongle entre son envie de protéger Lucas, son ami d'enfance, et celle de ne pas laisser de faux-espoir à ce dernier, dont elle connait les sentiments à son égard. Leur amitié survivra-t-elle aux tourments imposés par les événements ?

L'histoire

  • Halloween : moment où la frontière entre les mondes s'efface. Alors, tout peut arriver, même le pire...
  • Un vieux grimoire aux origines inconnues tombe entre les mains d'un groupe d'étudiants. Ces derniers vont apprendre à leurs dépens qu'on ne joue pas impunément avec des forces inconnues.
  • Créatures maléfiques ou non ? A qui se fier ? Méfiez-vous de tout le monde... Et surtout de vous-même !
  • La peur est contagieuse... Et peut occasionner le pire !

Chapitre 01

Aperçu

Faites défiler le texte pour découvrir le premier chapitre du roman Le Portail... Et voir si l'aventure vous appelle !

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CHAPITRE 1

Tiranti

L’automne s’emparait de la ville. Les arbres arboraient leurs manteaux bigarrés aux couleurs nuancées de pourpre, orange et jaunes. Les trottoirs s’habillaient d’une épaisse couche de feuilles. Toutefois, ce jour-là, un ciel sombre et nuageux ternissait leurs teintes. Il avait plu toute la journée. Le genre de pluie glacée qui vous transperçait jusqu’aux os. Il faisait froid et le vent avait fini par se lever, ce qui n’arrangeait rien.

La journée touchait maintenant à sa fin, et la soirée qui s’annonçait me plongeait dans un sentiment ambivalent. Bien sûr, j’allais la revoir. Cependant, à quel prix ? Parviendrais-je à échapper aux sempiternels quolibets de mes camarades ?

Pour une fois, j’appréhendais moins la situation, pourtant. Je ne m’y rendais pas les mains vides. J’apportais un précieux trésor.

Pour fêter Halloween, Marc et les autres avaient décidé de réaliser une séance de spiritisme. Dans l’idée de faire peur aux filles et de leur permettre de se blottir contre eux, j’imagine.

Étant l’« intello » du groupe, ils m’avaient chargé de me documenter et de découvrir la manière de procéder. J’avais donc passé une bonne partie de la semaine à la médiathèque ; réflexe exotique pour la plupart de mes amis qui se seraient, eux, jetés sur internet.

Je n’étais pas très populaire, je le savais. On me considérait généralement comme excentrique, en dehors de la norme du moins, et je ne me sentais moi-même pas très à l’aise au milieu des autres étudiants. Je m’étais presque toujours senti décalé, différent…

Ce soir, pourtant, je devais être à la hauteur. Mes camarades comptaient sur moi pour trouver un accessoire intéressant autour duquel la soirée s’articulerait. Hors de question de les décevoir ; surtout Lydie. J’avais pris à cœur ma mission et refusais de me montrer si je n’avais pas réussi à dégoter quelque chose de palpitant, qui puisse valoir son intérêt. Elle était la seule qui partageait un peu mon amour pour les beaux livres.

Les livres avaient toujours été mon refuge. Petit, je passais des heures à lire et expérimenter des aventures par procuration. Quand je me plongeais dans un univers, tout, autour de moi, disparaissait. Mon imagination prenait le dessus, et je chevauchais aux côtés du héros, pourfendais les monstres, partais en quête dans des contrées lointaines et fabuleuses pour déterrer un mystérieux trésor, délivrer un allié ou confondre le tyran et sauver son peuple.

En grandissant, les romans m’étaient petit à petit apparus comme des objets de collection à part entière, dotés d’une personnalité propre. Aussi, je n’achetais jamais l’édition poche. Quand je voulais acquérir un livre, je privilégiais habituellement l’édition brochée, de meilleure qualité. Mon petit appartement s’avérait toujours trop étroit pour stocker l’ensemble des ouvrages que je souhaitais conserver. En conséquence, je les choisissais avec le plus grand soin.

Cet amour des livres avait réussi à me faire employer à temps partiel à la médiathèque, ce qui constituait un double bénéfice : une rentrée d’argent pour payer mes études et un environnement de travail idyllique. Cette semaine, j’étais en congé, mais j’avais pourtant passé tout mon temps là-bas. En quel autre lieu aurais-je pu trouver ce dont j’avais besoin ?

Même en rêve je n’aurais pu imaginer plus bel endroit : édifice ancien, alliance de vieilles pierres volcaniques, piliers imposants et voûtes et de matériaux utilisés dans les architectures plus modernes, comme le verre ou le bois. L’odeur minérale et antique qui régnait en ce lieu lui conférait une aura secrète que je chérissais. Le bâtiment, pourtant, paraissait clair et accueillant, ouvert sur la rue par de larges baies vitrées terminées par un arc en plein cintre.

Afin de préparer notre soirée Halloween, j’y avais donc passé des heures. J’avais bien déniché quelques ouvrages à la mode sur le spiritisme, cependant cela ne me satisfaisait pas. Je cherchais une œuvre plus authentique.

Pour que nos frissons aient quelques accents de vérité, ne nous fallait-il pas un écrit original, un vrai livre d’incantation ou des témoignages d’expériences paranormales ?

Tous les ouvrages sur lesquels j’avais pu mettre la main étaient des fictions ou bien des propagandes pour des religions obscures. J’aurais pu céder à la facilité et apporter un ouija, mais je voulais, pour une fois, pouvoir les impressionner par ma trouvaille.

Bien sûr, nous n’étions pas dupes. Aucun d’entre nous ne s’attendait à ce que quelque chose se passe. Les esprits, les démons et autres fantaisies n’existaient pas, nous en avions pleinement conscience. Cette soirée n’était qu’un jeu. Toutefois, puisque le but d’Halloween consistait à se faire peur, j’étais persuadé qu’une légère touche de réel, comme un vieux grimoire de sorcellerie ayant véritablement servi par exemple, produirait son petit effet.

Je doutais de pouvoir en dénicher un, pourtant. Mon ambition se bornait à trouver des récits historiques de séances de spiritisme. Et si les anciens y avaient cru, pourquoi ne pourrions-nous pas, nous aussi, l’espace d’une soirée, y accorder du crédit ? Cela me rappellerait les moments passés avec Lydie à imaginer nos scénarios.

Tandis que je finissais de me préparer pour la soirée avec mes amis, je me remémorais comment j’avais finalement découvert mon précieux butin.

À force de farfouiller dans les rayons, j’avais attiré l’attention du responsable de la médiathèque, monsieur Devaux, un grand homme grisonnant aussi épais qu’un roseau, avec qui j’avais noué une relation amicale ces trois dernières années. Sa connaissance impressionnante de l’ensemble de la collection de sa bibliothèque nous entraînait dans de longues heures de discussions. Il avait le don de deviner ce que les lecteurs souhaitaient trouver et celui de leur conseiller des ouvrages qui sortaient subtilement de leurs habitudes pour leur faire découvrir petit à petit de nouveaux univers. C’était, je crois, ce que j’appréciais le plus chez lui.

Il finit par s’approcher de moi et me demander ce que je cherchais. J’hésitai. La dernière chose que je voulais, c’était passer pour un hurluberlu qui pensait réellement que ces choses existaient. Je voulais devenir bibliothécaire et ce travail représentait bien plus qu’un job d’étudiant pour moi. Je m’empressai donc d’expliquer le contexte de la soirée avec mes amis, pour rendre le projet moins étrange…

Contrairement à ce que j’avais imaginé, il ne me rit pas au nez. Il sourit, oui, mais d’un air complice. J’eus alors la conviction qu’il me comprenait vraiment. Il me proposa quelques pistes, cependant les livres s’avérèrent décevants.

Devant mes yeux perdus après plusieurs jours de recherche, il s’approcha de moi une nouvelle fois. Nous échangeâmes pendant près d’une heure, puis il changea tout à coup d’expression ; alors, un miracle se produisit : il m’ouvrit la porte des archives.

Nichés au milieu d’une grande arrière-salle voûtée et sombre, dans un air sec entretenu par une ventilation appropriée à ce genre de lieu, un certain nombre de vieux ouvrages prolongeaient péniblement leur longue existence.

Je n’avais jamais eu l’honneur d’y pénétrer. L’endroit était jalousement gardé par le maître des lieux et seul monsieur Devaux en avait les clefs. Les papiers fatigués, âgés de plusieurs siècles pour certains, exigeaient une hygrométrie calculée, une température stable et le moins de lumière possible. Même les enseignants-chercheurs ne pouvaient les consulter qu’avec parcimonie, et uniquement sur place. La plupart du temps, ils n’étaient autorisés qu’à accéder à leur double numérique. Monsieur Devaux devait vraiment me faire confiance pour me laisser manipuler ces trésors.

Conscient de ma chance, je foulai le sol de cet antre avec cérémonie. L’atmosphère qui s’en dégageait paraissait encore plus mystérieuse et magique que dans le reste du bâtiment. Des parchemins, des ouvrages en peau de vélin, qui remontaient pour certains au Moyen-Âge… C’était comme si l’Histoire se livrait à moi. Combien de personnages légendaires s’étalaient-ils ici, au travers de récits anciens ? Combien de mythes prenaient-ils vie, dans toute leur splendeur originelle ?

Monsieur Devaux m’expliqua que je trouverais immanquablement ce que je cherchais ici. Je n’en doutais pas le moins du monde. Il m’indiqua le fond de la pièce, puis prétextant qu’il avait du travail, me laissa seul.

Quand il eut tourné les talons, je restai quelques instants ébahi. Je n’en croyais pas mes yeux. Non seulement monsieur Devaux me laissait entrer dans cet endroit, mais en plus il ne restait pas pour me chaperonner ! Il me faisait vraiment confiance. Certes, il connaissait mon sérieux et mon amour pour les beaux ouvrages, mais tout de même. Si jamais j’avais mon concours, nul doute qu’il appuierait ma candidature pour travailler dans sa médiathèque !

J’étais aux anges.

Je parcourus les étagères en verre des yeux. Plusieurs livres et documents, en différents états, s’alignaient devant moi. Ils n’étaient pas rangés selon le système Dewey, à l’instar du reste de la bibliothèque, mais par périodes ou provenances. Jamais ces œuvres inclassables ne voyaient le public, si ce n’est, pour certaines, à l’occasion d’expositions, bien protégées derrière des vitres.

Et j’allais pouvoir les consulter en toute liberté.

Toutefois, je ne voulais pas abuser de la confiance que monsieur Devaux m’accordait. Frissonnant – il faisait frais dans cette pièce –, je me dirigeai directement vers le fond, comme me l’avait conseillé le bibliothécaire.

Passées les premières minutes à étudier le contenu des étagères devant moi, je ne pus cacher ma déception. Il n’y avait rien qui fût relatif de près ou de loin à l’occulte.

Pourquoi monsieur Devaux m’avait-il orienté ici ? Je ne voyais aucun livre qui puisse correspondre à mes attentes. Évidemment, les ouvrages étaient magnifiques, pourtant comment animer une soirée Halloween avec des œuvres littéraires sans rapport avec l’horreur ?

Dépité, je m’apprêtais à examiner les autres étagères lorsqu’une encoche dans le mur attira mon attention. En regardant d’un peu plus près, j’aperçus une trappe, dissimulée dans la cloison. Le travail avait été soigné, mais l’on sentait qu’il n’avait pas été réalisé par un professionnel. Une petite cachotterie de monsieur Devaux ?

Pourquoi m’avait-il désigné le fond de la pièce si je n’y trouvais pas ce que je cherchais ? Il n’y avait qu’une explication possible : la trappe devait cacher une surprise qui m’était destinée. Ma curiosité était trop forte : je devais savoir. Les doigts fébriles, je tirai sur l’encoche. Un panneau du mur se détacha, révélant une étagère masquée.

Je jubilais. Quoi que je trouve ici, l’aventure que je raconterais vaudrait bien les meilleurs grimoires. Lydie ne resterait pas de marbre devant un tel récit.

Une boîte en bois foncé, probablement du noyer, remplissait l’ouverture. En lettres d’or gravées, l’on pouvait lire : « Palais Tiranti ». Voilà qui était intrigant.

J’hésitai. Monsieur Devaux avait-il réellement voulu que je déniche cette cachette et en extraie la boîte ? Savait-il réellement qu’elle se trouvait là ?

Il était un peu tard pour regretter. Au point où j’en étais, autant ouvrir !

Je m’exécutai, avec précaution pour ne pas abîmer les mécanismes d’ouvrants. Mon excitation grimpa d’un cran lorsque je découvris ce qu’elle recelait.

Les premiers éléments que j’en extirpais furent trois anciens ouvrages traitant d’ésotérisme. J’avais touché le jackpot ! Hélas, ceux-ci s’avéraient assez mal entretenus et le temps les avait rendus majoritairement illisibles.

Dessous, je découvris des lettres. Principalement des correspondances entre une certaine Lady Caithness duchesse de Medina Pomar et d’autres personnes, traitant d’une société secrète.

Si tout cela me paraissait diablement captivant et tout à fait du type de ce que je recherchais, je commençais à me poser des questions au sujet de l’honorable bibliothécaire qui tenait ce lieu. Non, il n’était tout de même pas possible qu’un érudit comme lui fasse partie d’un culte ! Et pourtant… Quelle était la raison de cette cachette ? Pourquoi le contenu de la boîte ne pouvait-il pas être aligné, lui aussi, sur les étagères des archives ?

Toutes ces questions se bousculaient dans ma tête, mais ma trouvaille me paraissait plus importante. Il ne me restait plus beaucoup de temps avant la soirée, et j’avais enfin l’opportunité d’apporter quelque chose d’inestimable, qui me vaudrait certainement l’admiration de mes amis. Je réfléchirais aux conséquences sur mes relations avec monsieur Devaux plus tard.

Je m’installai sur l’unique table de la pièce et parcourus rapidement les différentes lettres. L’une d’entre elles me sembla particulièrement intrigante : elle n’était pas adressée à Lady Pomar comme le reste des correspondances, mais destinée à la comtesse Wachtmeister. Elle ne contenait que quelques lignes :

« Chère Comtesse, venez me voir à Paris, je désire avoir avec vous une longue conversation en privé. »

Le papier était déchiré à cet endroit, et la suite, s’il y en avait eu une, avait disparu. J’avais l’impression à la fois excitante et honteuse de fouiller dans des affaires personnelles qui n’étaient pas les miennes…

Toutefois, ma plus belle découverte se trouvait sous les missives. Au fond de cette boîte reposait le plus magnifique ouvrage que j’avais jamais vu.

Je l’avais enfin trouvé.

Le titre était en latin, écrit en lettres dorées : Dæmonum Clavis. J’époussetai sa couverture ; elle était usée, mais encore très belle, en cuir embossé. De couleur pourpre, elle était chamarrée de paillettes brillantes ; un pentacle était gravé dessus, dont le centre était étonnamment creux. Au-dessus, l’image d’une clef en relief habillée d’or était dirigée vers ce trou, comme s’il s’était agi d’une serrure. Un petit bout de chaînette en argent partait du milieu du pentacle.

Je fis immédiatement le lien avec la petite coupelle. Après vérification, effectivement, les deux morceaux de chaînette correspondaient : totalement intrigant.

Avec précaution pour ne pas abîmer le papier ancien, j’en feuilletai les pages. Le contenu semblait très mystérieux, et à coup sûr dans le thème de notre soirée. Le livre, en latin, était écrit exclusivement à la main et orné d’enluminures. Il comportait quelques annotations dans la marge, couchées à la plume dans une encre différente, en français. En français difficilement déchiffrable, certes ancien, mais toujours plus accessible que le latin.

Quel âge pouvait donc avoir ce grimoire ? Les textes évoquaient des démons, des invocations, des esprits… Exactement ce que je voulais pour notre soirée Halloween.

Tout cela paraissait trop beau. Il allait forcément y avoir un hic. Et je savais lequel. Si monsieur Devaux m’avait laissé pénétrer ici, s’il m’avait confié le secret de cette boîte mystérieuse nichée au creux du mur, jamais il ne m’autoriserait à emporter l’ouvrage à ma soirée étudiante. Le contenu de la salle était trop ancien, trop précieux. Moi-même, je me révoltais contre l’idée d’exposer ces reliques aux affres du temps en les sortant de ce cocon protecteur.

Pourtant, je ne voulais pas reculer. Pas cette fois. J’avais trouvé ce qu’il nous fallait ! Je devais essayer. Convaincre monsieur Devaux. M’engager à y faire attention comme à la prunelle de mes yeux. À l’exposer le moins possible.

Je ricanai intérieurement. Dans une soirée étudiante ? Avec la fumée de cigarette, l’alcool à proximité… Comment pouvais-je faire ce genre de promesse ?

Je me jurai de faire le nécessaire. Je protégerais le livre. Et ainsi, monsieur Devaux ne regretterait pas de m’avoir accordé sa confiance.

Encore fallait-il qu’il accepte.

Je rangeai les ouvrages et les lettres dans la boîte en noyer, excepté le grimoire et sa coupelle ; autant ne pas exposer ce qui ne me serait pas utile. Puis je remis le coffret dans l’emplacement au mur, que je scellai.

Serrant ma trouvaille contre mon cœur, je retournai dans la médiathèque. Monsieur Devaux devait guetter mon retour, car il vint immédiatement à ma rencontre. Voyant ce que je tenais entre les mains, il blêmit. Pourtant, il accepta sans difficulté que j’emporte ce trésor avec moi. Je lui promis de rendre l’imposant ouvrage la semaine suivante. Je serais extrêmement vigilant lors de sa manipulation, et en dédommagement lui proposais quelques heures de classement bénévole.

Le bibliothécaire, qui semblait avoir vieilli de dix ans, hocha la tête, d’un air hébété. J’emportai rapidement ma trouvaille chez moi, minutieusement emballée dans un tissu propre et calée dans mon sac à dos, avant qu’il ne change d’avis.

Cela faisait quelques jours qu’il trônait fièrement dans mon appartement. J’en avais pris le plus grand soin, évidemment. Plus les jours passaient, plus j’étais attiré et fasciné par ce grimoire. J’avais jeté un coup d’œil sur chacune de ses pages, sans comprendre son contenu, toutefois.

En le parcourant entièrement, j’étais tombé sur un petit bout de papier niché entre deux feuilles. Pensant d’abord à un marque-page, j’avais très vite deviné qu’il s’agissait de la fin de la lettre déchirée que j’avais trouvée dans le coffre. Je lus les quelques lignes qui finissaient la missive. L’auteur incitait fortement la comtesse Wachtmeister à prendre connaissance de l’ouvrage que j’avais entre les mains avant leur entretien. Tout en bas, les initiales « H.P.B. » signaient la lettre.

Si je voulais parfaire ma présentation du manuscrit auprès de mes amis, je devais en apprendre un peu plus. Aussi, je tentai d’effectuer quelques recherches. Internet me sembla le moyen le plus adapté. Malheureusement, mon enquête resta infructueuse. Le grimoire n’était pas signé et ne comportait pas de nom d’auteur, ce qui s’avérait assez curieux. Je ne réussis pas non plus à le dater exactement, même s’il paraissait très ancien.

Je tentai alors de rassembler des renseignements sur les autres éléments que j’avais dénichés dans la boîte, espérant découvrir de nouveaux indices sur l’ouvrage. Je ne trouvai aucune explication sur la manière dont celui-ci, contenant des textes appartenant aux propriétaires du palais Tiranti, avait atterri dans ma modeste médiathèque en plein cœur de l’Auvergne.

En fouillant sur divers sites, j’appris que la duchesse de Pomar était une spirite et occultiste née à Londres en 1830 et morte à Paris le 2 novembre 1895. Cette duchesse possédait à Nice le palais Tiranti, qui était devenu à l’époque le lieu de rendez-vous des occultistes et des spirites. Les correspondants de la lettre déchirée, eux, devaient avoir fait un tour dans ce palais à un moment ou à un autre. Ils s’y étaient certainement croisés : toutes les dates coïncidaient.

La comtesse Wachtmeister, quant à elle, née Constance Georgina Louise de Bourbel Montpinçon en 1838 à Florence, en Italie, morte en 1910 à Londres, était connue pour être un membre particulièrement actif de la Société théosophique ; en outre, elle avait notoirement pris part à des expériences ésotériques.

Enfin, sous les initiales « H.P.B. », je retrouvai une certaine Helena Blavatsky, née en 1831 en Ukraine et morte en 1891 à Londres. Cette Helena était une très mystérieuse femme qui possédait apparemment des dons de médium, avait provoqué des phénomènes inexplicables et avait fondé ladite Société théosophique. D’après ce que je pus lire sur elle, je pouvais en effet facilement l’imaginer utiliser ce livre pour mener des cérémonies, lancer des sorts et invoquer des démons. Les jours qui suivirent ma découverte furent peuplés de mauvais rêves.

Je regardai le grimoire une dernière fois avant de le fourrer dans mon sac à dos pour l’emporter à la soirée.

Toutes les dates de ces personnages autour desquels j’avais effectué mes recherches semblaient indiquer que ce grimoire datait du dix-neuvième siècle. Or il était clairement beaucoup plus ancien.

Le fait qu’il était entièrement écrit à la main et comportait des enluminures pouvait signifier qu’il était antérieur à l’invention de l’imprimerie au quinzième siècle. Certaines tournures de phrases adoptées dans les notes manuscrites à la marge, d’après mes découvertes, correspondaient à du moyen français, langue employée entre la fin du Moyen-Âge et la Renaissance. Si les notes en marge venaient de cette époque, le livre en lui-même devait être plus ancien encore. Il était rédigé en latin, mais je ne connaissais pas suffisamment cette langue pour dater l’ouvrage. Les pages étaient cousues entre elles, mais ce type de reliure avait été utilisé bien avant et on les avait employées sur une longue période.

Ce codex se révélait à proprement parler une antiquité ! Toutefois, il s’agissait bien de papier, et non de peau de vélin, plus ancien.

Le livre m’avait littéralement ensorcelé. Plus le temps passait et plus je trouvais difficile de m’en séparer, tant il me fascinait. La fin de ma semaine de vacances, je l’avais consacrée à lire et relire ses pages, en quête de nouvelles découvertes.

En dépit de mes bonnes résolutions, j’avais bu mon café du matin à ses côtés, suivant des doigts les magnifiques dessins dorés sur la couverture. Le soir, il reposait sur ma table de nuit. J’avais réparé la petite chaîne et rattaché la coupelle au grimoire. J’étais persuadé que ce livre allait tout autant impressionner les autres. Il ne pouvait pas en aller autrement.

Au soir de la fête d’Halloween, je n’avais pas trouvé plus d’informations sur lui, mais, en soi, il se suffisait. Toutes les histoires que j’avais collectées sur le palais Tiranti, la comtesse, les spirites et leur société secrète ajoutaient encore de la saveur à ce grimoire magique que j’avais glissé dans mon sac à dos.

Ce soir était donc le grand soir. Halloween était enfin là. Emportant mon précieux trésor, je fermai la porte derrière moi et plongeai dans le froid du dernier jour d’octobre.


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