Pour fêter la naissance de mon nouveau site, voici un petit conte de noël, écrit lors des dernières fêtes. Bonne lecture !
Conte de Noël : la quête de la poussière magique
Marie savait qu'elle était devenue adulte. Cela faisait plusieurs années qu'elle s'en était aperçue : le temps avait laissé sur son cœur une couche épaisse de déceptions, désillusions et renoncements, qui peu à peu avait lissé ses battements. Boum boum, boum boum, des bruits sourds, neutres, presque plats. Elle ne parvenait plus à éprouver les émotions qui lui permettaient de voir cette poussière magique dont elle était régulièrement entourée, plus jeune.
Pour noël, elle savait qu'elle n'était pas censée faire de vœux. Les adultes ne croient plus en ces bêtises. Pourtant, elle ne pouvait s'en empêcher. Secrètement, elle savait qu'elle en avait besoin : elle voulait retrouver sa précieuse poussière magique.
Tôt, ce matin-là, elle l'avait traquée. En ouvrant ses volets, elle avait aperçu la lumière du soleil jouant sur la neige qui avait recouvert le sol. Les cristaux de glace, qui avaient emprisonné les coins de la vitre, lui avaient fait de l’œil. Un rayon de l'astre avait folâtré avec le givre et un kaléidoscope de couleurs s'était invité sur les murs de sa chambre. Pourtant, cela n'avait pas été suffisant. A peine un petit sursaut dans sa poitrine.
Les heures avaient défilé, mais elle n'avait pas laissé tomber. Elle s'était affairée pour préparer la fête. Elle avait décoré la maison de guirlandes lumineuses, habillé le sapin de ses plus beaux atours et parsemé la table de paillettes. En contemplant son oeuvre, elle avait tenté de retrouver la poussière magique de son enfance. Elle s'était abîmée dans le spectacle du halo de l'arbre de noël qui brillait dans l'obscurité et du scintillement des illuminations de la maison. Mais ça n'était pas encore ça. Elle avait fermé les yeux et s'était imprégnée de l'odeur de résineux qui embaumait le salon. Elle avait tenté de rappeler à elle les souvenirs de sa jeunesse, les sensations et les sentiments qu'elle avait l'habitude d'éprouver en cette période de l'année ; mais c'était comme si quelque chose restait bloqué. Elle ne parvenait plus à accéder à cet état d'esprit.
Elle n'avait pourtant toujours pas baissé les bras. Tout devait être parfait. Elle ne voulait pas laisser passer cette chance de retrouver la poussière magique, dont elle avait un besoin vital, désormais. L'après-midi était déjà presque à son terme, elle n'avait plus beaucoup de temps devant elle. Elle se dirigea vers la cuisine et, devant ses fourneaux, prépara les mets les plus délicats et les plats les plus savoureux. Pour se donner du courage, elle se versa un verre de champagne. Les bulles tourbillonnaient en s'élevant dans le liquide, ballet muet qui aurait pu soulever la poussière magique. Le breuvage pétillait dans sa bouche et lui laissait un goût de fête sur la langue. Mais ce n'était toujours pas suffisant.
Et puis l'heure avançait, le temps, implacable, ne lui laissait plus l'opportunité d'essayer, encore. Elle commençait à perdre espoir. Allait-elle réussir ? Quelles options avait-elle encore ? Devrait-elle se résigner à vivre encore en surface, comme déconnectée du monde ? D'effleurer la vie du doigt sans jamais pouvoir l'éprouver vraiment ?
La sonnette retentit. Un premier bond ; quelque chose se passait en elle, enfin. Elle ouvrit la porte : c'était eux. Sans attendre, à peine un petit bonjour, ils se précipitèrent dans le salon. Elle les observa : elle commençait à sourire. Leurs yeux pétillaient. Le résultat de ses efforts était à la hauteur de leurs attentes, elle pouvait le voir. A travers leurs regards, elle pouvait percevoir cette poussière magique. Ils en étaient entourés, eux, ils évoluaient au milieu de ces lumières, ils dansaient dans le merveilleux.
Alors le miracle s'accomplit : son cœur battit un peu plus fort. Les enfants tournèrent vers elle un visage ravi. BOUM ! BOUM ! Un battement magnifique, fort, assuré résonna dans sa poitrine. L'épaisse couche de regrets et d'amertumes accumulée par le temps se souleva. Elle la voyait voltiger autour d'elle, briller dans l'air qui l'entourait : la poussière magique était revenue. Et dessous, son cœur était libéré. Elle vivait. Elle sentit grandir en elle une vague d'amour et d'émerveillement qui déferla sur son âme, sans crier gare, débordant presque au coin de ses yeux. Elle avait réussi. Non, ils avaient réussi. Elle serra contre elle ses deux enfants. Elle les berça contre son cœur et leur murmura :
Joyeux noël, mes petits amours.