Vous êtes en panne d'inspiration pour partager des récits effrayants le soir du 31 octobre ? Voici pour vous aider un court conte d'Halloween, à lire dans le noir un soir d'orage...
Il y a quelques jours, j'ai été contactée via Instagram par Les Chats Pitres pour écrire une nouvelle. En effet, ces derniers organisent un concours d'écriture spécialement sur le thème d'Halloween. Le texte devait faire moins de deux pages et la seule contrainte était d'insérer la phrase suivante dans l'histoire :
"Je fus tétanisé(e) par un courant d’air glacial".
Vous vous en doutez, cette fête me plaît particulièrement. Je trouve qu'elle est propice à la création d'une multitude d'histoires effrayantes à souhait. Moins de deux pages, c'était parfait pour une histoire courte, je n'avais pas beaucoup de temps pour moi et cela correspondait à mes capacités du moment ^^ Je me suis donc laissée tenter.
Voici le petit conte d'Halloween que je leur ai envoyé :
Comité d’accueil
Je me redressai brusquement, extirpée de ma torpeur par une sensation de chute. Non, tout allait bien ; j’étais toujours assise sur le tabouret, accoudée au comptoir. Devant moi, une larme de condensation dévalait lentement la paroi de mon verre presque vide. L’œil hagard, je regardai autour de moi. Le bar paraissait encore plus bondé qu’à l’accoutumée. Le brouhaha indistinct mais lancinant des fêtards faisait bourdonner mes oreilles et me donnait mal au crâne. La fatigue me frigorifiait. Il fallait que je m’aère.
Dehors, le froid me transit. Le brouillard avait chaussé le décor et brouillé les lignes. Cela ne faisait rien… Avec ma vision approximative imbibée d’alcool, je n’y voyais goutte. Je fis machinalement quelques pas et manquai de rentrer en collision avec un groupe de jeunes habillés en vampire, zombie et divers monstres.
— Eh, regardez où vous allez, bordel !
Ils ne se retournèrent pas.
— Pffff, abrutis ! C’est ça, ignorez-moi ! Tout le monde m’ignore ces temps-ci de toute façon…
Je continuai ma route. La ville tournait autour de moi et je me concentrai pour mettre un pied devant l’autre sans que mes jambes s’emmêlent. A-t-on idée de posséder des membres aussi longs ? Ce n’est absolument pas pratique.
Soudain, je me figeai : deux yeux incandescents me fixaient, droit devant. Je fermai les paupières et frottai mes tempes, le temps de recouvrer mes esprits. Quand je les ouvris à nouveau, ils avaient disparu.
La vache… J’étais dans un sale état.
Des murmures sur ma gauche, des sifflements ; mais personne en vue. Sur ma droite, à présent… Non, derrière ! Je virevoltai, comme prise dans une danse frénétique, et finis par tomber à terre. Était-ce toujours mon imagination ?
Mais le silence avait repris possession de la rue. Je me relevai laborieusement. La température avait engourdi mes membres et je peinais à retrouver la sensation dans mes pieds et mes mains. Il fallait que je rentre chez moi. Je n’allais pas bien du tout.
Tandis que je reprenais mon équilibre, un souffle sur ma nuque me raidit. Lentement, je tournai la tête. Un cri mourut dans ma gorge. Saleté d’Halloween ! Mais le déguisement était sacrément réussi. Cette peau filandreuse, ces cernes sous ce regard abyssal… Brrrr…
— Vous voulez ma photo ? Tout va bien, y’a rien à voir, vous pouvez circuler !
L’homme – ou la femme, impossible à deviner sous ce masque – ne répondit pas, se contentant de me fixer. Quelque chose clochait, manifestement. Je décidai de ne pas m’éterniser. Quelle idée de sortir seule la nuit !
Je marchai quelques pas de plus, mais j’entendais derrière moi ceux du promeneur résonner sur le macadam. Me poursuivait-il ? Je tournai dans une allée obscure, pour en avoir le cœur net, et regrettai aussitôt. Imbécile, s’il veut t’agresser, tu lui facilites la tâche ! J’accélérai. Un coup d’œil en coin m’apprit que la silhouette s’était arrêtée à l’entrée de la voie. En face de moi, la ruelle était si sombre qu’on aurait dit que je plongeais dans les abîmes. Tant pis. Plutôt foncer vers l’inconnu que de rebrousser chemin dans sa direction. Je m’aventurai dans les ténèbres, me retournant régulièrement pour vérifier qu’il n’avançait pas.
J’entendis un bourdonnement sourd. À mesure que je progressais, le son devenait plus fort. Un grondement rauque. Je m’arrêtai. Six yeux rouges me faisaient face. Ils se rapprochèrent. Je ne pouvais plus bouger. Dans la faible lueur de la lune, je pus deviner trois énormes gueules sinistres emplies de crocs acérés, reliées à un seul et unique cou. La bête se tenait si proche, à présent, que je pouvais sentir son haleine fétide, chargée d’effluves méphitiques. Quelques gouttelettes de sa bave constellèrent mon visage. J’étais paralysée, les muscles pétrifiés.
Un grognement plus fort réussit pourtant à me libérer de l’étreinte de la terreur et je fis volte-face. Mon champ de vision révéla deux autres formes sombres dans la pénombre, qui m’encadraient et me prenaient en chasse. Je dédiai toute mon énergie à cette fuite. En face de moi, le rôdeur déguisé – mais était-ce un déguisement ? – me laissa passer avec un sourire carnassier. Du monde. Je devais retrouver la civilisation. Je faillis déraper mais réussis toutefois à maintenir ma course. Quelques mètres plus loin, la promesse du bar, lumineux et peuplé. Les claquements menaçants des mâchoires dans mon dos me redonnaient l’énergie nécessaire.
Des gyrophares éclairaient la devanture du troquet de leurs éclairs bleutés. Je me ruai à l’intérieur. Derrière moi, les créatures s’assirent devant la porte, comme des chiens grotesques attendant sagement leur maître. Leurs trois têtes aux yeux rouges se penchaient alternativement à droite et à gauche, semblant se demander comment j’allais réagir.
Je relâchai mon souffle. J’étais saine et sauve… Pour l’instant. La panique avait chassé le poison de mes veines et rendu ma sobriété. La chaleur du bar, pourtant, ne parvenait pas à me revigorer. La foule avait déserté l’endroit.
Au fond de la salle, les pompiers encadraient un corps affalé sur le zinc.
Ce manteau… Ces cheveux…
Déglutissant difficilement, je m’approchai. L’un des hommes retourna la victime. Ses yeux marmoréens se plantèrent dans les miens. Je fus tétanisée par un courant d’air glacial, réalisant l’horreur.
C’était moi.
Au travers de la vitre, les trois cerbères me regardaient sans bouger. Mon sort était scellé.
Alors, qu'en pensez-vous ? Ma petite histoire vous plaît-elle ? Vous paraît-elle digne d'être partagée à la nuit tombante autour d'un feu pour provoquer des frissons dans votre auditoire ?
Et vous alors ? Aimez-vous Halloween ? J'adore tout particulièrement cette fête, plus pour les origines mythiques et mystérieuses qu'elle évoque que pour son aspect commercial. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle mon roman Le Portail tourne autour d'elle ^^