Quelques-uns m'ont posé la question suivante : pourquoi la réécriture de ton roman prend-t-elle autant de temps ? La réponse est simple : voilà quelques semaines que j'ai confié mon prochain roman, une dystopie, à plusieurs bêta-lecteurs. J'espère sous peu récolter toutes leurs réponses, et pouvoir passer à la dernière étape de la réécriture, avant publication.
Là, je vois que ceux d'entre vous qui ne se sont jamais penchés sur l'écriture se grattent la tête : c'est quoi un bêta-lecteur ? Et à quoi ça sert ?
Laissez-moi combler votre curiosité (ne me remerciez pas).
Des bêta-lecteurs, c'est quoi ?
Alors c'est tout simple : ce sont des personnes qui se sont portées volontaires pour lire avec attention un roman fraîchement sorti de l'atelier de son auteur, avant la publication, pour lui faire remonter tout ce qui va ou ne va pas.
Dit comme ça, ça paraît simple. Mais en vrai, ça l'est beaucoup moins. D'ailleurs, les pratiques en bêta-lecture sont assez variées. Certaines personnes délivrent leurs remarques dans une fiche globale, qui recense les points forts et points faibles du manuscrit. D'autres mettent des annotations en marge du texte, au fur et à mesure de leur lecture. Les derniers, enfin, proposent un mix des deux (des commentaires tout le long du récit et un récapitulatif des points principaux).
En tant qu'auteur, c'est cette dernière méthode que je préfère, car je la trouve plus complète et elle rend plus simple le travail de réécriture finale. Pour ce roman, j'ai laissé le choix à mes bêta-lecteurs de faire comme bon leur semblait, mais pour le prochain, je pense que je leur demanderai la dernière option.
A quoi sert la bêta-lecture ?
C'est vrai, ça. Après tout, on pourrait très bien imaginer qu'un auteur écrive son histoire dans son coin, et puis la livre à son public directement. A quoi ça sert de faire lire le manuscrit avant de le publier ?
Avant tout, à sortir le nez de son guidon !
Quand on a écrit un texte et qu'on a passé plusieurs heures dessus pour le corriger et le peaufiner, au bout d'un moment, il se passe deux phénomènes, à coup sûr :
Il est temps de confier ce bébé à des yeux tout neufs, qui, eux, sauront détecter avec plus de facilité les écueils que nous n'avons pas pu déceler.
Une fois cela dit, la liste est longue de ce que ces précieux bêta-lecteurs peuvent remarquer. Leurs commentaires peuvent porter à la fois sur le fond et sur la forme. En vrac : la crédibilité des personnages, les interactions entre les personnages, la qualité des descriptions, la richesse (ou non) du vocabulaire employé (par exemple, une présence limitée des verbes dits "faibles" ou des adverbes), la crédibilité de l’intrigue (tu es sûr qu'il est logique que mémé Hortense ait réussi à assommer les trois malfrats avec son sac de courses ?), les éventuelles incohérences (comment ça se fait que Jeanine est blonde et élancée au début et rousse et forte à la fin ?), le rythme du récit, la fin (est-elle satisfaisante ?), le début (est-il accrocheur ?), le titre est-il heureux...
En ce qui me concerne, les remarques auxquelles je fais le plus attention sont celles qui tendent à montrer qu'un passage est trop long, que certaines "explications" sont superflues ou au contraire qu'il manque des éléments pour comprendre d'autres concepts. En tous cas, c'est celles qui m'ont le plus apportées pour ce roman-là. Je sais que c'est un syndrome courant chez les auteurs, mais il y a certains passages que j'affectionne particulièrement et que j'ai du mal à couper spontanément. Or, si les bêta-lecteurs me disent qu'ils provoquent des longueurs, plus d'hésitations, je prends les ciseaux.
Mais les retours de mes bêtas-lecteurs ne sont pas encore complets, si ça se trouve, je vais trouver d'autres éléments auxquels faire attention.
Comment trouver un bêta-lecteur, perle rare ?
De préférence, déjà, ce n'est pas une perle rare qu'il faut trouver, mais plusieurs. Pour la bonne et simple raison que chacun peut mettre le doigt sur des aspects différents, mais surtout car si jamais plusieurs personnes font la même remarque, alors il y a fort à parier qu'il est nécessaire de la prendre en compte.
Ensuite, il faut que ces personnes soient prêtes à donner de leur temps, car c'est un sacré travail (ce qui signifie qu'il faudra les remercier ! Je compte les mentionner dans mes remerciements et leur offrir mon eBook une fois finalisé, avant même la parution). Si l'on souhaite avoir les retours en un temps donné, il faut le mentionner dès l'offre de bêta-lecture, afin qu'ils sachent dans quoi ils s'engagent.
Enfin, il est nécessaire que ces lecteurs soient d'emblée attirés par le genre du roman. Inutile de proposer à un fan de roman sentimental de lire un récit de science-fiction, il n'accrochera pas, de toute façon, et ses retours, au final, ne correspondront pas à ceux de vos futurs lecteurs.
Pour ma part, j'ai repéré des groupes dédiés à la bêta-lecture, sur Facebook. J'ai posté un bref résumé de mon histoire, en mettant en avant le genre et en précisant les délais attendus, et très rapidement j'ai eu plus d'une dizaine de propositions de bêta-lecteurs. J'en ai sélectionné six. J'ai eu de la chance, car jusqu'à présent, dans leur globalité, j'ai des retours de grande qualité. Ce sont également des personnes qui prennent soin de me dire ce qu'elles apprécient aussi, ce qui aide à garder la motivation !
J'ai également vu qu'une plateforme existait pour mettre en relation les écrivains avec des relecteurs, qui s'appelle "Simplement Pro". Je la testerai probablement pour le prochain ^^.
Finalement, une fois qu'on rassemble les retours des bêta-lecteurs, on en fait quoi ?
Eh bien là, c'est le moment de finaliser la réécriture.
Si les commentaires montrent plutôt un intérêt pour l'histoire, l'intrigue et les personnages, alors tout va bien. Ce sont les éléments les plus importants. En ce cas, il n'y a plus qu'à fignoler ce qui peut l'être.
Je sélectionne les remarques qui me semblent pertinentes et surtout celles qui reviennent plusieurs fois. Parfois elles sont simplement de l'ordre de la tournure, parfois elles demandent un travail plus approfondi.
Par exemple, pour mon prochain roman, je pense rajouter une scène complète et retravailler le début entièrement. Oui, ça fait râler, quand on pense être presque arrivé au bout du tunnel pour ce récit, de devoir remettre de l'huile de coude, mais c'est nécessaire : si ces bêta-lecteurs ont fait ces réflexions, nul doute que d'autres lecteurs feraient les mêmes. Si l'on veut pouvoir proposer un roman le plus correct possible, pas le choix, il faut retravailler 🙂
En revanche, si plusieurs bêta-lecteurs font les mêmes remarques concernant soit les personnages, soit l'intrigue, alors il y a de fortes chances qu'il y ait plus de travail à faire. Peut-être retravailler l'immersion (pour les personnages) en montrant plus leurs actions qu'en les décrivant (show don't tell, j'en parlerai probablement dans un futur article). Pour l'intrigue, vérifier qu'on n'a pas été trop rapide et qu'on a bien inclus des sous-intrigues, ou bien qu'à la fin on referme bien toutes les portes qui ont été ouvertes pendant le récit.
C'est dans ce dernier cas que la critique est la plus douloureuse pour l'auteur. Quand on sait qu'on doit refaire une bonne partie du travail, on a tendance à dévaloriser sa propre personne tout autant que ses réalisations. C'est dur, mais il faut se dire que c'est une chance : les bêta-lecteurs nous ont dans ce cas permis de ne pas rendre public immédiatement une oeuvre qui n'était pas suffisamment aboutie. En revanche, il ne faut pas du tout retenir les critiques qui ne sont faites que pour détruire, et qui n'aident pas à aller plus loin. Il est rare de tomber sur des bêta-lecteurs qui sont dans cette posture, mais cela arrive aussi ; dans ce cas, il est important de se reposer sur les critiques des autres bêta-lecteurs, qui sauront montrer plus d'objectivité.
Pour finir, ces personnes qui ont lu avec attention et commenté votre texte seront les mieux placées pour en parler autour d'elles lorsque le roman sortira. Il est important de continuer à garder des relations avec elles. Vous pouvez tout à fait leur demander, par exemple, de poster un commentaire sur la plateforme sur laquelle le roman est publié.
Voilà, j'espère que ce genre d'article, qui dévoile un peu l'envers du décor, vous plaît. N'hésitez pas à me dire dans les commentaires si vous souhaitez en lire d'autres dans ce genre.
Je trouve que cet article sur la bétalecture et les bétalecteurs est excellentissime ! Si je l’avais connu il y a deux ans lorsque j’ai commencé à écrire, nul doute que j’aurais évité beaucoup d’erreurs, et gagné beaucoup de temps. De plus la forme (de l’article) est quasi parfaite.
Merci pour ce commentaire ! Il fait très plaisir 🙂 J’espère que mon article pourra aider d’autres personnes du coup. Et pour ceux qui n’écrivent pas, ça enlève l’idée d’un écrivain seul dans son coin ^^